
Les philosophies de l’erreur sont très présentes dans le théâtre d’improvisation. Elles ont une origine commune et très simple : les gens sont terrifiés à l’idée de parler en public et de se planter en montant sur scène, a fortiori quand rien n’est prévu à l’avance.
Cette peur, toute naturelle qu’elle soit, est paralysante et empêche de jouer.
Nabla Leviste utilise la figure du suricate pour incarner ce mécanisme de peur dans son livre La science de l’imprévu ou dans ses interventions :
Improviser, c’est apprivoiser sa peur : celle de se retrouver face à des gens qui attendent quelque-chose de nous, et celle de ne pas savoir ce que l’on va faire ou dire dans les secondes et minutes qui viennent. On a peur de faire les choses mal, et on a honte par anticipation de l’échec.
Comment apprivoiser cette peur et revenir à un état propice au jeu ? La réponse peut sembler simple : il faut prendre conscience que tout cela, ce n’est pas grave. Les théoriciennes de l’impro ont ainsi cherché à dédramatiser l’erreur, de différentes façons. Faisons un rapide état des lieux !
Nier l’erreur ou au contraire la célébrer : les deux principales approches
» Il n’y a pas d’erreur » : l’école de Chicago
« There are no mistakes in improv » est une formule que l’on pourrait retrouver affichée au fronton de nombreuses troupes d’improvisation qui se revendiquent de l’école de Chicago (Cf. Viola Spolin, Paul Sills, Del Close, Second City).
Derrière cette formule, il y a l’idée que comme tout est possible en impro, aucune proposition n’est a priori mauvaise. Il y aura toujours la possibilité de justifier et de valoriser ce qui se passe sur scène pour construire la suite du spectacle. On fait et on voit ce qui se passe !

Un corollaire est souvent associé à la formule « il n’y a pas d’erreur » : en impro, « il n’y a pas de règles« , car encore une fois, tout est imaginable et tout est possible. Ou, dit encore autrement : « F*** the rules ! »
» C’est super d’échouer » : l’école johnstonienne (et la Silicon Valley)
Le formateur et metteur en scène Keith Johnstone (1933-2023) part du principe que l’échec est inévitable dans toute entreprise humaine. Et que comme l’art d’improviser suppose de tenter plein de choses, il devient indispensable d’accepter l’échec, et même de le valoriser, pour oser un maximum et débloquer son potentiel créatif.
Dory dans Le Monde de Nemo résume un peu cette philosophie : « si tu fais en sorte qu’il ne lui arrive jamais rien, il risque de ne jamais rien lui arriver… »

L’improvisatrice australienne Patti Stiles confie dans son livre Improvise Freely (2021) une anecdote fondatrice dans son parcours personnel d’improvisatrice : alors qu’elle devait réaliser la régie d’un spectacle de Theatersport et qu’elle était tétanisée par la peur de l’échec, Keith Johnstone était venu la voir et lui avait donné comme consigne de « réaliser au moins deux erreurs d’éclairage pendant le show« . Cela l’avait complètement libérée de sa peur et lui avait permis de jouer en toute sérénité avec la manette de commandes.
La pédagogie de Keith Johnstone a pour objet d’aborder les erreurs avec joie.
« Echouez joyeusement ! Si le public vous voit accueillir les erreurs sans être affecté·e, il en éprouvera aussi du plaisir. S’il vous sent humilié·e et honteu·x·se, alors il éprouvera du malaise. »
Keith Johnstone
On peut retrouver la célébration de l’échec dans d’autres courants artistiques, par exemple le théâtre panique dans les années 1960. Le « groupe Panique », fondé en 1962 par Fernando Arrabal, Roland Topor, Olivier O. Olivier, Christian Zeimert, Michel Parré et Alejandro Jodorowsky s’était donné pour objectif de faire vivre les « fêtes et rites de la confusion », notamment par l’art dramatique. Loin d’éviter les « fautes » et d’en avoir la hantise, le théâtre panique joue sur et avec elles. Ce mouvement se caractérisait notamment par une confiance entière accordée au langage qui était considéré comme un facteur de « provocation d’accidents ».
Au-delà du théâtre, une certaine philosophie de l’échec a aussi profondément imprégné la culture entrepreneuriale des années 2010 et 2020, et se trouve au centre de nombreux ouvrages contemporains dédiés au management et à la gestion.
On peut trouver sur le sujet des vertus de l’échec des mines de citations qui s’appliquent aussi bien à l’art, au développement personnel, au sport qu’au monde de l’entreprise (une partie d’entre elles ont été reprises du blog Spontanément) :
- Déjà essayé. Déjà échoué. Peu importe. Essaie encore. Echoue encore. Echoue mieux. ~ Samuel Beckett
- Lorsque nous nous donnons la permission d’échouer, nous nous donnons en même temps la permission d’exceller. ~ Eloise Ristad
- Un point clé de la créativité est de ne pas redouter l’échec. ~ Edwin H. Land
- Une fois qu’on a été vraiment mauvais dans un film, on développe une certaine forme d’intrépidité. ~ Jack Nicholson
- Le succès consiste à aller d’échecs en échecs sans jamais perdre son enthousiasme. ~ Winston Churchill
- La sagesse peut naître de l’ignorance : nous ne devons pas avoir peur de commettre des erreurs. ~ Zen Moments
- Tant que tu te relèves une fois de plus que le nombre de fois où tu auras chuté, tu seras couronné de succès ~ Proverbe chinois
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Alors, que retenir de tout ça ?
Je suis tout à fait d’accord qu’il est primordial de se libérer de la peur et du jugement, afin d’aborder le théâtre avec un esprit ludique, constructif et créatif.
Ces théories de l’erreur y aident, mais rencontrent des limites qu’il me semble important de connaître et analyser.
Pourquoi aucune de ces approches ne me convainc pleinement ?
Tout d’abord, je trouve que l’approche de Chicago qui consisterait à nier l’existence des erreurs est trop simpliste dans son acception littérale. Elle aide certes à débloquer les débutant·e·s mais limite ensuite leur développement artistique et esthétique.
En effet, si rien n’est grave et tout est super, on n’a alors plus rien à apprendre, car il n’y a rien à améliorer. Spoiler : c’est faux, nous avons plein de choses à apprendre bien sûr ! Et les erreurs sont justement utiles et même fondamentales pour le processus d’apprentissage. L’extrait vidéo suivant, issu d’un atelier du clown Ira Seidenstein (en anglais) aborde avec justesse cet enjeu d’apprentissage par l’erreur. Cela passe par trois choses : ne pas les ignorer, ne pas les éviter, ne pas les critiquer :
L’apprentissage a pour corollaire le sujet de l’ambition esthétique et artistique des œuvres que l’on produit. Si l’on part du postulat que rien ne constitue jamais une erreur, il n’y a alors aucun intérêt à soigner notre spectacle et à l’améliorer. Pas besoin de travailler une scénographie, de creuser un propos, d’approfondir des techniques. Si rien n’est mauvais, il n’est plus nécessaire de bosser ! Evidemment c’est faux, et les tenants de l’impro à l’école de Chicago ne veulent pas dire cela non plus. Mais vous voyez bien que cette formule devient rapidement réductrice.
L’improvisateur argentin Omar Galvan développe cette question de l’ambition artistique en impro dans son court essai « Oui mais – l’improvisation à la croisée des chemins« , que je vous conseille de lire !
Autre problème, comme on l’a vu, si l’on considère qu’il n’y pas d’erreur, alors on peut en conclure qu’il n’y a pas de règles. Liberté absolue ! F**** the rules !
Mais sans règle, peut-on encore jouer ensemble ? La réponse est bien évidemment non. Il y a bien sûr l’enjeu des abus de pouvoir (cf. cet article ou encore celui-ci), mais aussi tout simplement la nécessité de partager un cadre pour disposer d’axes de jeu en commun !
L’approche de l’erreur selon la formule de l’école de Chicago n’est pas ouf, mais peut-être que Keith Johnstone a visé juste, en choisissant au contraire de valoriser l’erreur ? Eh bien je reste aussi en partie insatisfait par cette approche. La limite vient de la notion d’erreur qui pour moi n’est pas assez claire pour être opérante. Toutes les erreurs sont-elles bonnes à faire ? Je ne le pense pas, évidemment, et c’est en cela que le message Johnstonien reste lui aussi un peu court. En poussant à l’absurde, tuer son ou sa camarade de scène est une erreur. Doit-on pour autant aller jusqu’au meurtre pour s’en rendre compte ? Non.
Un autre désavantage potentiel : en voulant célébrer l’erreur, on peut insister sur son existence et sur sa survenue. Et pour les personnes d’un naturel anxieux, cela peut renforcer leurs appréhensions et leurs blocages. J’ai par exemple le souvenir de débriefs de sessions de Maestro qui avaient pas mal perturbé certain·e·s participant·e·s, qui revenaient en boucle sur ce qu’ils·elles « auraient pu mieux faire » dans telle ou telle scène. Soit le résultat exactement opposé à ce que recherchait la démarche.

Ma vision de l’erreur en impro
1. Il y a des fautes à éviter et à définir clairement
La précision que je vais faire n’est nécessaire que pour les francophones, car en français on utilise un même mot pour parler d’ »erreur » là où en anglais on en utilise deux : « mistake » et « error ». Cette polysémie du mot « erreur » dans la langue de Tibo Inshape est malheureusement source de confusions.
En impro anglophone, on parle essentiellement de « mistake« , qui est la variante la plus subjective de l’erreur. La « mistake » revêt une dimension involontaire : en gros une « mistake » intervient quand le résultat de notre action n’est pas à la hauteur de ce que l’on voulait accomplir.
Le terme « error » est plus objectif, car il décrit un écart fait à une norme ou à une règle clairement établie au préalable. Cet écart peut être aussi bien volontaire qu’involontaire. Les théoriciens de l’impro anglophone dont je vous ai parlé ne parlent jamais des « errors », ce n’est pas leur sujet.

Pour clarifier tout cela, en français on peut distinguer les notions d’erreur (aka mistake) et de faute (aka error).
Les erreurs ont une certaine dimension subjective et peuvent faire l’objet de jeu ou de travail (on y reviendra).
Les fautes, en revanche, peuvent être mieux objectivées et doivent être évitées.
Alors que les choses soient claires:
- Il y a des fautes en impro,
- On doit les éviter et les sanctionner.
Je reprends ici un extrait des précédents articles sur le consentement :
Les outils et règles sont de nature à favoriser la confiance et la créativité au sein d’un groupe. L’absence de règles en impro est une pure illusion. Il y a toujours des règles. Elles sont juste parfois implicites, mais restent bel et bien partagées par tou·s·tes celles et ceux qui participent à une séance d’atelier ou à un spectacle.
On ne peut pas tout faire en impro. Et en vrai, tout le monde le sait très bien. Besoin de preuves ? Quelques exemples suffisent à démontrer tout cela rapidement :
- En impro, on ne fait pas saigner ses partenaires.
- On n’urine pas sur ses partenaires.
- On ne brise pas les membres de ses partenaires.
- On ne tue pas ses partenaires.
- On ne crache pas sur ses partenaires.
- On n’électrocute pas ses partenaires.
- On ne détruit pas les vêtements ou les objets personnels de ses partenaires.
« Ben c’est évident », me rétorquerez-vous. Eh oui, c’est évident ! Il n’en reste pas moins que ce que je viens de lister sont bien des règles, que nous respectons tous et toutes pour que nous puissions jouer ensemble en toute confiance.
Arrêtons donc avec la chimère du « tout est possible en impro ». Tout n’est pas possible, c’est évident et c’est tant mieux.
Je peux ajouter à cette liste l’exigence que l’on peut se fixer en matière de propos à tenir sur scène et en atelier : je trouve tout à fait juste de s’interdire des propos de nature raciste, classiste, sexiste, homophobe, grossophobe, validiste, etc…
La liberté sans limite est une illusion. Sans règles, il ne reste que la liberté des dominants de dominer, même — et surtout ! — s’ils ne s’en rendent pas compte.
Les règles existent donc. Puisqu’elles existent, quel mal y aurait-il à en parler et à les expliciter ? C’est justement quand on explicite les règles, qu’on en discute, qu’on les travaille collectivement, que nous pouvons aller plus loin dans nos possibilités de jeu, dans notre intimité en atelier et sur scène. En travaillant autour des règles, nous ne nous limitons pas, nous ouvrons au contraire des fenêtres de jeu, en consolidant des espaces de confiance.
En improvisation, les possibilités sont infinies. Les règles du jeu en retirent certaines. Mais en retirant X possibilités à une infinité de possibilités, il restera toujours une infinité de possibilités. C’est la magie des maths, et c’est la magie de l’impro. N’ayons pas peur de nous contraindre un peu pour mieux créer ensemble.
Si l’on prend l’exemple du match d’improvisation, nous avons un arbitre qui siffle et sanctionne des fautes. Le rôle de l’arbitre n’est pas d’empêcher le jeu, mais bien de garantir le bon fonctionnement du jeu, grâce à ses actions de régulation.

Bien sûr vous pouvez faire la part des choses et distinguer des fautes impardonnables (aggressions) et ce qui relève de la zone de jeu et d’interprétation (cabotinage, cliché, etc…) 😉
2. Toutes les autres erreurs font partie du jeu
Nous avons réglé la question des fautes, revenons à celle des erreurs. Echecs et erreurs restent tout à fait possibles dans la pratique de l’impro. Ils·elles font même pleinement « partie du jeu » ! En impro, on peut échouer de plusieurs manières :
- Dire ou faire des choses allant à l’encontre de ce qui a été préalablement construit : se tromper sur le prénom, le genre ou la profession d’un autre personnage, ne pas prendre en compte un événement préalablement raconté, faire agir un personnage de façon contraire au caractère qui a été établi… C’est alors une erreur de cohérence.
- Ne pas atteindre un objectif que l’on s’est fixé préalablement : faire rire, chanter juste, véhiculer une émotion, ne pas bafouiller, etc… C’est alors un échec de performance.
La deuxième catégorie peut être très subjective. Des fois, les improvisat·eur·rice·s ressentent comme un échec le fait que la scène ne se soit pas du tout déroulée comme ils·elles l’avaient anticipé. Ceci n’est pas du tout grave, et au contraire c’est pour moi l’essence même de l’improvisation ! Avec une telle définition, oui, je peux être tenté de dire qu’il n’y a « pas d’erreur ».
Globalement tous ces petits échecs sont rattrapables et participent même au charme de la discipline. Il n’y a pas de frisson sans risque, et les improvisat·eur·rice·s l’ont bien compris. L’improvisation théâtrale est un spectacle méta, pendant lequel le public vient voir des personnages vivre une aventure, mais aussi des comédien·ne·s se mettre en état de vulnérabilité et tester leurs limites. J’adore les jeux qui consistent à se mettre mutuellement dans la merde, afin de nous offrir des moments de bravoure. On rejoint là la devise adoptée par la compagnie Les Eux : « I’m right behind you, but I’m gonna f*** you up » (je serai toujours là pour toi, mais toujours prêt à te mettre dans la merde). Après tout c’est bien ça l’improvisation, c’est un jeu ! La libération de la peur vient du jeu.
L’improvisation doit toujours nous aider à nous placer dans une approche ludique. Je pense ainsi que c’est très drôle de jouer avec les règles, et que ça fait le sel de nombreux spectacles. J’aime bien cabotiner avec les arbitres ou les autres tenants des règles dans les différents formats de spectacles, j’aime aussi surprendre mes camarades en sortant des sentiers battus, et me faire moi même surprendre ! F**** the rules donc, mais nota bene on ne peut que faire que si ces règles ont été clairement établies au préalable, et à condition de savoir distinguer impertinence et maltraitance.
F*** the rules est un slogan trompeur : car sa véritable signification est Play with the rules.
3. On doit distinguer processus d’apprentissage et phase de représentation
Comme je l’ai écrit, je trouve l’approche de Chicago (« il n’y a pas d’erreur ») trop simpliste. Je serais personnellement plus proche de la méthode de Keith Johnstone (« célébrons les échecs »), en introduisant quelques nuances, à savoir bien distinguer processus d’apprentissage et contexte de représentation en public.
En atelier, il faut chercher au maximum à faire des erreurs ! C’est comme ça que l’on apprend, c’est comme ça que l’on explore et que l’on découvre de nouvelles choses. L’atelier doit constituer un espace « safe » où l’on peut célébrer et tirer le meilleur de ses succès comme de ses échecs (et, rappelons-le, un espace safe repose sur le partage de règles claires et la sanction des fautes). Nous sommes ici pour joyeusement nous planter et en tirer le meilleur.
En spectacle, c’est un peu une autre affaire. Cela reste toujours important d’oser, d’expérimenter et de jouer, car c’est ce qui fait le sel de cet art. En revanche nous devons un certain niveau de qualité minimum au public, et cela ne doit pas dédouaner d’une part d’un effort nécessaire de soin et de préparation (en particulier pour la scénographie et le propos porté, qui suivant le format de spectacle peuvent être plus ou moins travaillés en amont) et d’autre part d’une sécurisation de l’expérience artistique que vivra le public. Nous devons donc ajuster notre prise de risque. Cette dernière doit être moins importante qu’en atelier, ou l’on peut se permettre d’aller dans toutes les directions car c’est « pour de rire ».
Le spectacle est aussi un moment particulier, potentiellement riche en émotions et en enjeux (spectat·eur·rice·s nombr·eux·euses et ayant déboursé une somme importante, cadre compétitif, pairs ou potentiels mécènes venus assister à la séance…). Pour ces raisons, le soir de représentation me semble un moment peu propice à l’analyse des éventuel·le·s erreurs ou échecs. En tant que metteur en scène ou formateur, je peux me noter rapidement ce que j’ai identifié pour orienter les futures séances en atelier ou discussions de groupe, mais je préfère consacrer la soirée de spectacle proprement dite au jeu, au partage et à la détente.
L’analyse du spectacle est utile mais relève selon moi d’une autre étape, à froid et a posteriori, quand les artistes sont davantage libérés de l’affect du moment (cf. ce que j’avais pu constater après des debriefs à chaud de Maestros).
Conclusion : la théorie du Donut
« Il n’y a pas d’erreurs » ou « Ce n’est pas grave de faire des erreurs » ne signifie pas il n’y a pas de mauvaise impro, ou ce n’est pas grave de faire de la mauvaise impro.
Pour résumer tout cela je vous propose de nous appuyer sur le concept de « cercle des attentes » et de formaliser une « théorie du donut » spécifique à l’improvisation.
La théorie du donut est un modèle économique qui a été développé par Kate Raworth, afin de mieux répondre aux enjeux écologiques et sociaux. Selon cette approche, les actions humaines doivent respecter les différentes limites planétaires, tout en garantissant les différents acquis sociaux (et donc s’inscrire entre un plancher et un plafond).
Ma version de la théorie du donut s’applique à la recherche du risque en impro : si on se repose sur les compétences et expériences que l’on maîtrise bien, on reste dans notre zone de confort. Nos actions seront efficaces mais plutôt ennuyeuses pour nous ou pour le public qui a l’habitude de venir nous voir : il y aura peu d’originalité et peu de surprises au menu. On se repose sur nos acquis. C’est donc artistiquement peu intéressant de rester dans cette zone centrale. Si nous ne prenons pas soin des autres, nous entrons dans la zone de maltraitance, en commettant des fautes (on ne respecte pas le consentement et l’intégrité de nos partenaires de scène, on ne respecte pas les principes ou les valeurs définies préalablement par le groupe). Cette zone doit être évitée, c’est la limite à ne pas franchir. Entre ces deux zones, il y a la zone d’expérimentation, où nous pouvons tenter des choses inédites et nous exposer à ne pas tout réussir (faire des bides, rater des performances, se retrouver perdu·e).
Il faut dans tous les cas éviter la zone de maltraitance, inutile de développer ce point, je l’ai fait dans d’autres articles ou dans le livre Oui et alors. Les improvisat·eur·rice·s doivent se situer dans la zone de jeu, qui recoupe la zone de confort et la zone d’expérimentation.
En atelier, on peut partir de sa zone de confort pour garantir du fun mais l’objectif sera d’explorer ensemble le plus possible la zone d’expérimentation, car c’est celle qui nous fera le plus apprendre. En spectacle, nous avons une exigence de qualité, ce qui suppose de nous appuyer plus fortement sur notre zone de confort, tout en laissant un espace suffisant d’expérimentation afin de conserver la fraîcheur et la surprise que tout bon spectacle d’improvisation doit avoir.

Si nous faisons évoluer nos standards et nos principes (et donc étendons la zone de maltraitance à éviter) et si nous élargissons notre zone de confort grâce à notre apprentissage, le miracle de l’impro fait que cela ne réduit pas pour autant notre zone d’expérimentation : nos possibilités de création restent infinies et donc l’exploration et la surprise resteront toujours accessibles !
Enfin je dis ça… Dites-moi si je me trompe !

Références pour aller plus loin :
- Libération – «Echoue encore. Echoue mieux…» Comment Beckett inspire les sportifs et businessmen
- Improviser.fr – L’improvisation est l’art de l’échec
- Improviser.fr – Peur et créativité
- Improviser.fr – L’échec est au cœur de l’improvisation
- Spontanément – Citations
- Omar Galvan – Yes, but…
- OUI ET ALORS? Le consentement en Impro (4/4)
- OUI ET ALORS ?
- Peut-on faire de l’impro sans être au service des privilégiés ?
- The Way of Improvisation – Loving Your Mistakes
- improvnow.org – Dealing with failure and rejection in improv
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